Monein

Culture

Monein l’an 1775

Situé entre le gave de Pau et celui d’Oloron, Monein est, en 1775, une ville plus importante et plus vaste que maintenant puisqu’elle compte près de six mille habitants et que son territoire englobe aussi les villages de Cardesse, Cuqueron et Lacommande.

C’est une commune essentiellement agricole, riche de son élevage, de ses vignes, de ses cultures y compris celle du lin qui fait travailler ses tisserands. Sa richesse tient, évidemment, à la fertilité de son sol mais aussi au fait que, contrairement au reste du Béarn, et dès le 16° siècle, de nombreuses dérogations à la règle du droit de parcours ont été données (Les champs avaient été clôturés et cultivés, ce qui n’était pas le cas pour le reste du Béarn).

La prospérité de Monein est due aussi à l’originalité de sa vie locale. La communauté est gérée par des jurats élus par ses habitants. Ce sont, selon leur propre définition, à la fois, des administrateurs habiles et stricts et des « juges civils, criminels et de police dans l’étendue de la juridiction de la ville ». Ils assurent la répartition et la perception des impôts et règlent tous les problèmes sociaux. Tout ceci dans un grand souci du bien de la communauté.

Mise à part l’obligation dans laquelle ils sont de payer leurs impôts, de participer aux travaux généraux et aux battues aux nuisibles (les loups), les habitants de Monein semblent jouir d’avantages extraordinaires. La communauté a des droits de pacage et de gasaille (Pacage des animaux des vallées de montagne pendant l’hiver moyennant rétribution au paysan qui les soigne) sur les terrains communaux. Elle est exemptée de péages, pontages et tous impôts pour ses gens et leurs marchandises dans les terres et seigneuries de Béarn. Elle peut chasser, moudre son grain, vendre au marché et à la foire, sans payer de taxes. Bien avant notre époque moderne qui recherche la sécurité, elle jouit d’une « assurance tous risques » gratuite contre les aléas de la vie en cas d’incendie, de maladie et même de pauvreté et aussi d’une garantie de défense en cas de procès avec les habitants des communes voisines.

 

 

Dans cet environnement, les signes de prospérité sont évidents: dans la campagne moneinchonne, ce ne sont que magnifiques maisons de pierres, exploitations bien tenues, jardins soignés, champs clôturés et hommes bien habillés comme le relate Arthur Young dans ses « Voyages en France » oeuvre écrite en 1792.

Jusqu’en 1775, les menuisiers de Monein avaient fait, pour les gens les mieux nantis, quelques jolis meubles. Mais bon nombre de familles se passaient volontiers de ce signe de richesse et se contentaient de coffres à panneaux rectangulaires qu’ils possédaient parfois dans deux dimensions, le grand pour le linge de la mariée, le petit pour la vaisselle d’étain. Ils étaient généralement, comme celui-ci, en noyer.

 

 

Certaines maisons détenaient un meuble à « culs-de-bouteilles » qu’on pourrait croire d’Oloron ou d’Orthez mais dont l’origine Moneinchonne s’affirme grâce à quelques petits détails.

 

 

 

Cette charmante bonnetière, à cives, voit à la fois sa traverse supérieure sculptée de motifs naïfs au milieu desquels se trouve le petit coeur qui nous permet de l’authentifier comme étant de Monein (sans ses motifs, on aurait pu la croire d’Orthez, et sans son coeur, d’Oloron).

 

Les demeures les plus importantes s’ornaient, parfois, d’un mobilier inspiré de celui d’Orthez, quant à la structure du meuble et à la nature de son bois (le plus souvent du noyer).

Il pouvait, cependant, s’en différencier, par la présence d’un abattant au lieu d’un tiroir, par l’utilisation, en décoration, de croisillons. Parfois, il empruntait au mobilier d’Oloron ses sculptures naïves. Le meuble était généralement signé d’une étoile, emblème de l’artisan qui l’ava it fait et présentait très souvent un coeur sculpté dans le bois ou faisant fonction de plaque de serrure qui était la marque de sa ville d’origine.

Certaines armoires de Monein ont, cependant, une telle ressemblance avec celles d’Orthez qu’il est pratiquement impossible de les distinguer.

Cette magnifique armoire Louis XIV accumule les élèments qui caractèrisent son lieu de naissance:

  • les sculptures naïves sur la traverse supérieure
  • les croisillons sur l’abattant
  • les étoiles

 

En 1775, une épidémie fait mourir 2039 bêtes à Monein. La vie continue cependant à s’écouler sans disette, les jurats organisant un système assez contraignant mais fort efficace où la spéculation et le marché noir sont difficiles et où les produits locaux jouissent d’un protectionnisme tel qu’on ne peut vendre que les excédents réels et à des prix taxés (ce système sauvera toujours Monein à l’heure des récoltes médiocres comme à celle des belligérances).

Cette épizootie eut pour conséquence directe de freiner une ébénisterie, déjà peu développée et ce, d’autant plus, que nos menuisiers avaient d’énormes difficultés à trouver de nouveaux modèles du fait que les menuisiers d’Orthez, leurs maîtres, ne renouvelaient plus leur talent.

Vers 1780, les ébénistes de Monein (probablement les fils des précédents) décident alors de tout remettre en cause et de chercher d’autres sources d’inspiration. Or, à Monein, la vie s’écoule très paisiblement et les seuls événements notables sont le gros marché du lundi qui apporte les nouvelles locales, le passage, deux fois l’an, des bergers de l’Aspe et de l’Ossau qui racontent la vie de leurs vallées, le transit d’un régiment qui offre aux esprits les plus curieux une ouverture sur la France.

Si leurs pères avaient peaufiné leurs modèles lors des marchés où ils avaient pu évoquer, avec les chalands, toutes les nouveautés d’Orthez et d’Oloron, les fils, eux, se font décrire le mobilier des vallées d’Ossau, d’Aspe et même du Pays Basque, par les bergers de Laruns, Bilheres, Louvie, Meyracq, Sainte-Colome … qui ont des contrats de gasaille avec les fermiers de Monein.

Les décors de leurs premiers meubles furent très primitifs et eurent pour thème les feuillages et les frondaisons tel ce coffre dont l’étoile est la seule concession à ses origines.

 

 

Ou, ce bahut haut qui ressemble beaucoup à une manka au niveau des proportions.

 

 

Il est composé de plusieurs bois et son pied est primitif ainsi que ses frondaisons. L’abattant, en guise de tiroir, rappelle, seul, Monein.

 

 

Nos menuisiers passent vite aux charmantes petites armoires et aussi d’un style qu’on a pu qualifier de primitif à une forme naïve illustrée par cette armoire très fine des environs de 1790.

 

 

Elle est originaire de Lucq de Béarn. Son pied Louis XV est en volute, ses décors floraux sont plus affinés et on voit apparaître des motifs striés et quadrillés sur le tiroir et la traverse inférieure. Il ne lui manque que le petit coeur de Monein.

 

 

Ce type d’armoire sans dormant plaira beaucoup et on le trouvera avec des variantes qui donne un charme particulier à chaque meuble.

 

Cette armoire tout aussi charmante montre l’apparition d’un montant central orné d’une cive margueritée. Ce montant sera une des caractéristiques de l’armoire de Monein quand celle-ci aura pris toutes ses dimensions et ses décors. Le petit coeur sur le tiroir et le quadrillage sur le motif de la traverse sont évidemment typiques de Monein.

Nous noterons une évolution du meuble, en taille et en finesse du décor, ainsi que le charme naïf de ces armoires toujours très classiques et qui auront beaucoup de succès.

 

Nous voici presque à la révolution, les habitants de Monein ont encore le sentiment très vif de leur richesse due à cette « appartenance en commun » du domaine communautaire, ils en goûtent les avantages et réélisent souvent les mêmes jurats. La commune donne une impression de paix et de prospérité dans le travail et aucun de ses cadets ne songe à entrer dans l’armée ou à émigrer. A l’heure de la révolution, le cahier de doléances des habitants de Monein ne fait, d’ailleurs, état que du maintien des privilèges et des anciennes libertés, la majorité des moneinchons se satisfaisant pleinement de cette prise en charge de tous leurs problèmes qui ne demande en compensation qu’un petit effort pour respecter les règles.

Et pourtant, cette société où tout est organisé, régi, taxé, que ce soit dans les herms (bois et landes) ou au marché et où toute initiative personnelle est difficile à prendre, se révèle si contraignante que chacun essaie de tricher un peu pour s’éviter taxes et impôts ou pour s’approprier plus que son dû du bien commun ce qui amène les jurats à monnayer la délation, mais aussi, à asseoir leur pouvoir en punissant toutes les paroles et les actions qui peuvent être considérées, selon eux, comme « des preuves déplorables de l’esprit d’indépendance ».
Un vent de fronde souffle, apportant avec lui les grandes idées de Liberté, Egalité, Fraternité. Au nom des deux derniers principes, les mariages, en 1788, deviennent collectifs (ils le seront jusqu’en 1791). Quant au menuisiers de Monein, ils revendiquent le premier: ils sont deux et travaillent à l’ombre de l’église Saint-Girons, aux premières loges pour recueillir toutes les nouvelles et ils ne supportent plus toutes ces contraintes, ces délations, le bridage des pensées, des paroles, des actions. Lassés des libertés collectives qu’ils ont depuis toujours, ils vont aller à la recherche d’une liberté individuelle, la seule qui puisse leur permettre de sortir des sentiers battus et de se livrer à une réelle création artistique.

A noter: l’assemblée constituante avait créé la patente. La liste des déclarants fait état, à la date du 4 octobre 1791, de:

  • Cazenave Jean – Paroisse Saint-girons – Menuisier
  • Saint-pee Simon – Paroisse Saint-girons – Menuisier

Bien qu’aucun meuble n’ait été signé, il semble certain que ces deux hommes aient bien été les seuls auteurs des meubles de Monein et des environs. On ne peut, hélas, se rendre compte de l’importance de leurs ateliers, ceux-ci ayant été détruits.

 

De ce désir de libération, va naître du mobilier dont l’élément de base, à savoir la traverse basse, n’aura rien de commun avec tout ce que les styles classiques de l’ancien régime ont offert.

Les menuisiers de Monein élaborent toujours leurs modèles en commençant par un petit meuble comme un coffre, puis s’ils sont satisfaits, ils s’essaient sur un bahut, enfin, quand il est au point, ils en arrivent aux grandes armoires.

Ce coffre en chêne et en merisier semble avoir innové ce piétement en dents de scie. Les pieds sont carrés avec les croisillons de Monein et la serrure s’orne du petit coeur. Nous trouvons, avec ce premier meuble, la recherche d’un motif décoratif géométrique et très strié qui sera réutilisé.

 

 

 

 

 

Nous retrouverons cette même base en dents de scie associée à des pieds (qui furent peut-être Louis XV) sur ce buffet assez classique de forme et dont le tiroir reprend les motifs végétaux (fleurs de lin) et le petit coeur de Monein.

Le désir de libération de nos menuisiers moneinchons va s’exacerber avec l' »armoire aux chevaux »:

– les décors faits de fleurs, de frondaisons et d’un animal bien connu en Béarn, le cheval, sont plus riches mais toujours aussi naïfs

– des styles anciens, l’armoire utilise le pied Louis XV et l' »asperge » Louis XVI

– la création personnelle est dans la corniche dont la face visible plane n’est rehaussée à sa base que par de toutes petites moulures: ce sera, par la suite, la constante des modèles de Monein. Cette corniche décorée içi de dents de scie, sera parfois ornée d’épis, de croisillons ou de cannelures

– l’innovation est aussi dans la découpe de la traverse basse qui n’est plus ni droite, ni chantournée, mais affecte des lignes géométriques.

 

L »armoire aux chevaux » est des environs très proche de 1800. C’est une des toutes premières armoires « animalières » de Monein.
Le motif chevalin sera repris sur des armoires plus grandes. Il est à rapprocher des motifs d’animaux naïfs trouvés sur le mobilier de l’Entre-deux-Luys.

 

On pourrait penser que ces décors plus rigides, plus géométriques, qui apparaissent vers 1800 dans le mobilier de Monein ne sont dus qu’à l’imagination des ébénistes.

Ce serait oublier une des caractéristiques de cette cité béarnaise: Monein a toujours été une ville étape pour les troupes de passage d’Orthez vers Oloron et l’Espagne, de Pau vers Saint-jean Pied de Port. Les jurats qui ne supportaient pas le désordre imposaient aux régiments de séjourner au centre de la ville, d’où ils pouvaient contrôler plus facilement les allées et venues et limiter les exactions.

Ce passage des régiments semble avoir été pour nos ébénistes, qui ne quittaient jamais leur ville, une de leurs meilleures sources d’inspiration: les soldats leur racontaient la vie en France, les changements après la Révolution, le Directoire, la campagne d’Egypte … mais aussi les tendances de l’artisanat, les nouveautés en guise de mobilier. Petit à petit, les informations arrivaient et servaient à l’élaboration de nouveaux décors.

 

Le « bahut au faucon » semble bien confirmer cette thèse. Les formes carrées qu’affecte le style directoire ne se trouvent plus dans le piétement mais dans les portes. On retrouve, par ailleurs, quelques éléments intéressants comme des formes pyramidales qui rappellent le retour d’Egypte et aussi un vase qui pourrait être d’inspiration Directoire.

 


« L’armoire écologique »
laisse bouche-bée quand on la découvre pour la première fois. Nous y retrouverons tous les éléments étudiés précédemment par nos menuisiers sur des meubles plus petits:

– très haute, deux mètres soixante-quinze environ, elle est en noyer

– elle a une porte latérale, comme l’auront toutes les grandes armoires

– son décor se trouve sur le dormant, les traverses et les abattants

– la porte est quasiment conforme à celle de « l’armoire aux chevaux » avec ses trois panneaux, certains rectangulaires, certains chantournés ou les deux à la fois, mais sans décor, sauf la palme à l’intersection de deux volutes et les cannelures Louis XVI

– la corniche plate et saillante est à oves, séparées par des épis.

– Elle réunit, en une seule armoire harmonieuse, des éléments pris dans le répertoire des styles classiques, Louis XV pour les pieds, Louis XVI pour les cannelures, et Directoire pour le rectangle du dormant et les losanges de la traverse inférieure, des éléments pris dans le répertoire propre à Monein comme les entailles de la traverse inférieure, les deux abattants, le coeur du dormant et des éléments pris à l’Egypte comme les pyramides.

– Elle est écologique avant l’heure en mettant en scène des chevaux, des panthères, un petit coq, des oiseaux, des frondaisons, des épis de maïs.

 

« L’armoire écologique » pourrait avoir vu le jour vers 1805

 

Nous arrivons dans la période noire qui va durer jusqu’à la bataille d’Orthez (1814): l’économie du Béarn est presque bloquée, la terreur règne. Les bandes dévastent et pillent. Cela n’empêche pas Monein, la rurale aux terres riches, de continuer à produire et à fournir, non seulement les troupes de passage qu’elle surveille de près mais aussi celles qui sont en garnison à Navarrenx et qui la taxe de grains, vins, foin …

Elle fournit pareillement « la bande à Morillo », à condition qu’elle n’entre pas dans Monein.

Le maire de Monein tient sa commune à l’écart de la disette et des exactions. Nos menuisiers peuvent poursuivre leur parcours en toute quiétude et leurs chefs-d’oeuvre, petits ou grands, sont de plus en plus appréciés.

Le charmant « coffre aux lions » est un essai. S’il n’y a aucune recherche au niveau du meuble lui même, l’auteur s’est essayé à la sculpture d’un animal et d’un motif géométrique qui fait penser à un coeur retourné surmonté d’une palmette que nous retrouverons sur du mobilier plus important.

 

Il est intéressant de noter que les animaux qui décoraient les meubles de l’Entre-deux-Luys faisaient tous partie du bestiaire béarnais tandis que Monein, avec ses lions, ses panthères, s’inspire aussi des animaux africains censés avoir été rencontrés au cours de la campagne d’Egypte.

 

Cette « armoire aux faucons » concrétise les recherches précédentes en y ajoutant de nombreux autres éléments.

De la même structure générale que « l’armoire écologique », elle offre beaucoup d’éléments pris au Directoire comme:
– sur la traverse intermédiaire, un groupe d’animaux (ici un loup coursant un mouton) autour d’une palmette centrale, le tout dans un cadre de forme géométrique
– sur le dormant, la marguerite qui pourrait être béarnaise si elle n’était, elle aussi, dans un cadre très caractéristique de ce style .

Aux Landes proches, elle prend les épis qui ornent les parties chantournées des portes.

De Monein, elle garde le petit coeur des deux tiroirs.

La traverse inférieure aux pieds Louis XV prend un caractère qui lui est tout à fait personnel avec ses motifs quadrillés et striés.

Ce meuble (en cours de restauration) a été, comme beaucoup de meubles de Monein de cette époque, polychrome. Ses motifs étaient peints en vert, rouge et bleu.
On peut y voir une approche supplémentaire du style Directoire si on sait que le mobilier parisien de cette époque est souvent peint.
Cette peinture, hélas, est labile, les couleurs se sont éteintes avec le temps.

 

« L’armoire extraordinaire » est la plus fantaisiste du canton de Monein.

Sa haute originalité vient du bas de l’armoire: les pieds Louis XVI, cannelés et rigides supportent une traverse très chantournée, à palmette centrale et à motif floral ajouré pour dégager les feuilles du bois. Ce décor semble avoir été très inspiré par les armoires de Salies de Béarn.

Les deux abattants sont décorés d’un bouquet de branchages d’où jaillit un coeur (nous sommes à Monein). Tandis que les panneaux chantournés des portes et la traverse inférieure sont décorés des épis de maïs d’influence landaise.

Sur la traverse intermédiaire et, de part et d’autre d’une marguerite centrale, une fleur et un vase d’où sortent des inflorescences en forme de coeur, entourent un loup et un mouton qui semblent avoir fait la paix (l’environnement y est peut-être pour quelque chose).

Enfin, sur la traverse supérieure et le haut du dormant, nous retrouvons les faucons très prisés à Monein.

Tout est traité naïvement et on ne peut parler que de « style naïf » surtout quand on sait qu’à l’origine, les décors de cette armoire étaient peints en vert et rouge.

 

« L’armoire aux oiseaux » est une des plus sobres de « style Monein ».

Elle est à quatre portes et tiroirs à cannelures.
Les deux portes supérieures sont en chapeau de gendarme et à panneaux chantournés. Les volutes du panneau supérieur se rejoignent sur une palmette que grapillent deux oiseaux. Le bas du panneau inférieur est à entaille de « type Monein ».

Le dormant et la traverse supérieure sont décorés de petites fleurs et de feuillages et ornés de trois autres oiseaux (un sur chaque porte, un sur le milieu du dormant).

La corniche est à « asperges » et à motif floral central. Elle s’orne de deux étoiles dont l’encadrement permet de penser qu’elles sont plus d’inspiration Directoire que moneinchonne.

Le pied est de type Louis XV, mais la traverse inférieure chantournée est à angles un peu vifs, dans le « style Monein » et marque peut-être une évolution du piétement en dents de scie. Le côté de l’armoire avec ses deux portes et son petit abattant au niveau des tiroirs est très caractéristique.

Certains motifs, du dormant et de la traverse inférieure, rappellent ceux du Directoire et même de l’Empire.

Cette armoire est de 1819

 

Ces deux armoires marquent l’apogée du « style Monein ».

Leurs créateurs ont résolument voulu adopter le style Directoire. Pour cela, ils abandonnent tous les décors animaliers naïfs, tous ceux qui sont propres à la Monein de l’ancien régime, fichtre aussi des influences landaise ou salisienne.

L’armoire Directoire est grande et en noyer blond.
Elle troque sa corniche droite et son ornementation pour une corniche plus imposante et très moulurée qui perd vite tout décor.

Ses quatre portes offrent une caractéristique rare: les deux portes du haut sont beaucoup plus larges que celles du bas qui s’appuient sur des montants latéraux à motifs.

 

 

 

Sur le plan des décors, on trouve dans ces deux armoires des éléments pris au style Louis XVI comme les chapelets des traverses et des montants, les cannelures des montants latéraux et au style Directoire comme les pyramides, les colonnes à inflorescence et les losanges striés, quadrillés, ou très décorés dans un encadrement.

La première armoire a été créée en 1820, l’armoire aux pyramides est un peu plus tardive.

Le pied est Louis XVI, parfois très joliment décoré ou à sabot. Le traverse basse est, à l’origine, à entailles de « type Monein » mais d’une richesse de décoration plus ou moins importante. Enfin, elle se caractérise, souvent, par une porte haute latérale qui surmonte un tiroir.

 

Peu à peu, nos menuisiers, après avoir tout utilisé de l’art du meuble, en revinrent à des modèles plus classiques.

Cette magnifique armoire, créée vers 1830, sera une des dernières avant le mobilier de style Empire ou Louis Philippe qui sera celui de Monein comme de toute la France après 1830.

 

Ce meuble a une bien jolie caractéristique. Il renoue avec la tradition: nous retrouvons sur la corniche, comme avant la révolution, des étoiles à huit branches qui ne sont plus d’inspiration Directoire. Cette signature est la marque d’un itinéraire bien bouclé.
Nous sommes, avec ces dernières armoires, à la fin d’un superbe parcours humain, celui d’hommes qui ont ressenti le besoin de se libérer en s’abstrayant des styles d’avant la révolution et qui, à partir de connaissances glanées de façon très anarchique et probablement toujours formulées oralement, ont réussi à élaborer des meubles totalement originaux, souvent d’une naïveté fort déconcertante qui caractérisent ce qu’on peut appeler le « style Monein ».

 

Ce meuble, écologique avant l’heure, a su se dégager des contingences politiques de l’époque. Il a trouvé ses amateurs chez les habitants mêmes de Monein. S’il a longtemps été méconnu en Béarn, c’est que les moneinchons n’étaient pas de grands voyageurs et qu’à l’heure du mariage, ils s’inspiraient beaucoup de cet adage d’une grande sagesse:

<< Maridatz-ve en vostas terras
que-ve las coneishetz
que sian sanas o malandis
tots diaslas ve vedets >>

<< Mariez-vous en vos terres
vous les connaissez
qu’elles soient saines ou malades
tous les jours vous les voyez >>