Les premiers meubles

Culture

Les premiers meubles béarnais ont été des coffres.

Dès 1493, l’inventaire des biens de l’abbaye de Pardies fait état de deux lits et trois coffres, deux plats et un « bombé ».

En 1705, celui de la maison Boy à Lahourcade mentionne une table carrée, deux escabeaux, trois chaises et quatre grands coffres.

Les inventaires, on le voit, sont plus quantitatifs que descriptifs. On ne sait si les coffres sont munis de poignées ou de serrures. On ne connaît pas la nature de leur matériau ni, s’il y en a, leurs éléments de décoration. Sont-ils malle à usage d’un voyageur, simple coffre à grain ou cadeau d’une jeune mariée à la « case » familiale ? Seule l’étude des contrats de mariage peut nous renseigner sur ces premiers meubles béarnais.

En 1671, Cateline de Lahitte apporte, en mariage, un coffre en chêne. 

En 1672, Jeanne de Moulia de Lahourcade a, en dot, un coffre de noyer et un petit coffre.

Les coffres étaient « ferrat et barrat ab clau » (Ferré et fermé à clé). Le grand coffre contenait le linge, quelques hardes et souvent, rangé dans un coffret à couvercle situé à l’intérieur et en partie haute du coffre, la fortune de la demoiselle (argent, papiers, bijoux … peut-être). Le petit coffre, quand il y en avait, contenait souvent un quarteron de vaisselle d’étain.

Jusqu’au milieu du XVIII° siècle, le coffre est le meuble le plus couramment apporté par la mariée, mais les contrats du début du XIX° siècle le stipule encore pour des jeunes filles de condition modeste ou pour des cadets qui « vont gendre ».

Les coffres les plus anciens que nous possédons sont gothiques et du XVII° siècle. Ont-ils été inspirés par ceux des pèlerins qui, d’abbaye en abbaye, allaient à Saint-Jacques de Compostelle ?.

Ce coffre serait originaire de Bielle, en vallée d’Ossau: un testament de 1618 le mentionne. Il a quatre panneaux gothiques dont trois semblables composés de deux rangs de lances sous une rosace de quatre feuilles.

 

 

 

Le château de Morlanne en détient un autre, en chêne. Son ornementation gothique n’exclut pas, de part et d’autre et en haut, la marguerite béarnaise.

 

D’autres coffres du XVII° siècle et du début du XVIII° siècle nous sont parvenus de nos vallées de montagne:

 

 

Coffre à quatre panneaux et à rinceaux du XVII° siècle.

 

 

 

Coffre d’Arudy (en vallée d’Ossau) en noyer alternant les panneaux clairs et foncés, aux motifs fort stylisés de rosaces ou de cercles de feuilles.

 

On trouve aussi dans nos plaines des coffres décorés des motifs spécifiques à chaque centre de fabrication …

Ce coffre à larges ferrures est de Salies de Béarn. On reconnaît le quadrilobe à besants bien béarnais, mais aussi les fleurs qui rayonnent d’un losange et les arabesques tout à fait salisiennes.

 

… ou très classiques comme on en fit à cette époque dans de nombreuses régions de France.

 

Ce coffre bien ferré en noyer que l’on rencontre  très souvent dans la région de Nay serait né aux  environs de 1650.

 

De nombreux autres coffres nous sont parvenus: coffre à grains séparé en deux, coffre à sel … souvent de fabrication artisanale, dont nous ne parlerions pas s’ils n’étaient devenus de vrais éléments de décoration et considérés maintenant comme des meubles d’appoint.

 

Cette petite « salière » d’Ossau marquée Jean Gassie et datée de 180? (*) dont le dessus est décoré de rosaces et de coeurs, a un charme naïf qui ne laisse pas insensible.

 

Plus tard, au XVIII° siècle, le coffre évoluera vers un meuble plus grand, comme ce coffre de mariée de la vallée d’Aspe, déjà cabinet, mais encore coffre avec ses deux poignées, ou deviendra un meuble important comme un cabinet à quatre portes et souvent deux tiroirs.

 

Ce coffre a un décor de feuillage et de coquilles. Son socle rectiligne repose sur des pieds en bobine. Deux tabernacles isolant une niche sont surmontés par un fronton arrière. Les poignées s’expliquent aisément: il a probablement fallu descendre ce coffre de la montagne et … à pied.

La maison du XVII° siècle est fort rudimentairement meublée. Peu à peu, et au cours du XVIII° siècle, elle s’enrichira de meubles moins frustres et plus adaptés à l’évolution et à l’enrichissement de la famille.

Au coin du feu, le banc. C’est là que le « brasouqué » (aïeul) se chauffe en surveillant la couvée de poussins, que la « may-boune » (mémé) épluche les légumes dans son tablier. Les enfants aussi y posent leur écuelle pour manger.

Ce banc très sobre de la vallée d’Ossau est en chêne. Son tiroir est placé en bout.

Il a certainement vu le jour dans la seconde moitié du XVIII° siècle comme en témoigne un autre banc de la même vallée et de même facture daté de 1777 (chiffres de buis incrustés au dossier).

Plus tardivement, nos bancs de montagne auront une base chantournée et seront parfois décorés de motifs floraux et même d’oiseaux.

Les bancs de plaine portent souvent l’emprunte de leur ville.

A Nay, on trouvera, avec un dossier décoré de pointes de diamant à méplat, de croix de malte, de quadrilobe à coeur et à flèches, tous les motifs que nous trouverons ultérieurement sur les meubles de cette région.

Cet élégant banc de Salies de Béarn est décoré, sur la traverse supérieure, du motif salisien composé d’arabesques et de framboises.

 

 

 

 

 

Paytère dit aussi panetière

 

Parfois, et seulement à partir du XVIII° siècle, une « paytère » ou panetière, appelée aussi « taulo », enrichit le mobilier. On y rangeait les provisions, le pain et la ventrèche (lard salé). Le plateau était amovible et on pouvait l’ôter et le placer sur deux supports quand on voulait faire la cuisine du cochon (dans les fermes béarnaises, on tue le porc et on le cuisine une ou deux fois par an : c’est le pèle-porc).
Evidemment, on ne pouvait pas manger sur cette paytère faute de pouvoir y placer ses jambes mais qu’importe, le paysan béarnais ne se servait pas de table, comme nous le confirme Simin Palay:

… << Nous aüts, à case
Que-n serbim la soupe, apuch, esparricats
Lous us quilhats, lous aüts seduts, d’aüts ajoucats,
Cadu per et que hurgue à l’escudèle arrase … >>

… << Nous autres, à la maison,
nous nous servons la soupe, et puis, éparpillés
les uns debout, les autres assis, d’autres à genoux,
chacun pour soi puise dans l’écuelle pleine … >>

Dans les familles les plus riches, il y avait une grande table  qui comportait obligatoirement de larges tiroirs pour les provisions. Elle n’avait son utilité que s’il y avait beaucoup d’hommes dans la famille. Les femmes ne mangeaient pas à table, elles servaient et … ne s’asseyaient que dans un coin de la cuisine.

On peut lire l’ancienneté de cette table, à double tenon et à tiroir énorme allant jusqu’au milieu du plateau, à l’usure de son entretoise.

 

 

 

 

Cette table de la vallée d’Ossau, à pieds à balustres, a trois grands tiroirs faisant chacun la largeur de la table.

 

 

 

 

Dans un coin, près de la pierre d’évier, une sorte de caisse à claire-voie sur pieds: « le bacheré ». On y mettait, au fond, de la paille et on laissait égoutter les écuelles de terre.

Plus tard, quand on eut des bols et des verres, on y rajouta des étages.

 

Puis, dans les familles qui avaient des assiettes d’étain ou de faïence, originaires de Samadet ou d’Aast, on eut un vaisselier.

 

 

 

 

Venant de Bassercles (nord du Béarn), ce vaisselier à trois portes, placard latéral et trois étagères. Le pied est à volute et la traverse chantournée à motifs de feuilles.

 

 

Certaines familles « aisées » du XVIII° siècle avaient un cabinet garde-manger qui permettait de ranger, en haut, lard, pain, fromages.

 

 

 

 

Ce cabinet a deux corps d’inégales dimensions. Il est originaire d’un village bordant le Luy de Béarn et pourrait être daté de la fin du XVIII° siècle.

 

 

D’autres avaient même un grand meuble de cuisine.

 

 

 

 

Celui-ci est à deux corps. Le haut est à quatre portes, dont deux à targettes d’origine. Il est du canton d’Arzacq (nord du Béarn) et a été fait pour la maison où il est encore, il y a plus de deux cents ans. Les motifs du meuble confirment cette date.

En 1671, Cateline de Lahitte apporte en mariage, en plus du coffre, un lit de quatre « capser » (matelas).

En 1672, Jeanne de Moulia apporte un « lit honorable ».

Le lit de Cateline ne devait être qu’une simple planche recouverte de quatre gros coussins garnis de paille, celui de Jeanne devait probablement être un lit à pieds avec un système qui permettait de suspendre des rideaux protégeant contre la promiscuité. Ce lit existait, il y a encore très peu de temps, en Béarn. Peut-être le trouverons nous un jour dans un grenier ?

Plus tard, nous verrons apparaître le lit bateau Louis-Philippe, comme dans toute la France.

Nous trouvons, par contre, encore beaucoup de ces charmants berceaux se balançant, comme celui, fort rustique de la vallée d’Aspe, et qui aurait bercé sept générations de nourrissons! …

 

 

Au cours du XVIII° siècle, la chambre s’organise, au moins dans les familles bourgeoises. En plus du lit et du cabinet, on trouve une « tauléte » ou petite table comme:

 

 

 

Cette « tauléte » de la vallée d’Ossau, de style Louis XIII, à pieds à balustre et à piétement en H.

 

 

 

Ou cette charmante « tauléte » de Morlaàs, mais qu’on retrouve dans toutes les régions du Béarn, à pieds en S et à sabots.

 

 

 

Ou encore, cette petite table en noyer à plateau rond, et à pieds à balustres.

 

 

 

 

Ou encore ce « fautulh » :

 

Tous les meubles qui viennent d’être présentés sont typiquement béarnais. Très utilitaires, ils sont surtout l’expression d’un mode de vie.

A partir du XVIII° siècle, le grand meuble béarnais va évoluer et se couvrir de motifs typiques, différents selon les régions du Béarn et leur date de fabrication.